Bercy envisage de réduire les frais de fonctionnement du CIR
Telle est l’annonce formulée par le ministre de l’Économie Bruno Lemaire le 11 juillet. Ce projet s’inscrit dans la lutte du gouvernement contre les niches fiscales des entreprises. Applicable dès 2020, cette mesure pourrait avoir des conséquences pour les bénéficiaires du Crédit d’Impôt Recherche. L’impact des frais de fonctionnement dans la déclaration du CIR Le Crédit d’Impôt Recherche permet notamment de financer les dépenses de fonctionnement liées aux opérations de recherche et développement. Il s’agit des dépenses liées au personnel, aux démarches administratives, aux matières premières, etc… Actuellement, les frais de fonctionnement sont fixés forfaitairement à hauteur de : Or dans son discours adressé à l’Assemblée Nationale lors du Débat d’orientation des finances publiques, Bruno Lemaire a proposé de ramener le taux des frais de fonctionnement à 43% des dépenses, sans préciser le(s)quel(s) des trois taux actuels serai(en)t concerné(s). Alors qu’une baisse du taux de 50% à 43% pour les chercheurs et techniciens de recherche aurait un impact minime pour les entreprises bénéficiaires, son application aux immobilisations et surtout aux jeunes docteurs deviendrait problématique. Plus tôt dans son discours, le ministre Bruno Lemaire montre son attachement au coût compétitif des ingénieurs que permet le CIR, ce qui semble contradictoire avec sa proposition de raboter les frais de personnel éligibles au CIR. Néanmoins, cette idée provient initialement de la Cour des comptes qui proposait un « taux compris entre 40 et 46% ». La réduction du taux lié aux frais de fonctionnement n’est pour l’instant qu’une « vague » proposition, laquelle sera tout de même étudiée dès la rentrée dans le cadre du PLF 2020. L’objectif serait de « dégager un rendement de 200 millions d’euros dès 2021 ». Cette initiative est motivée par la volonté de récupérer 1,4 milliards d’euros en 2021 sur les niches fiscales aux entreprises dont le CIR fait partie. Un projet qui s’avère plus complexe que prévu… Désillusion face aux « trous noirs » que sont les niches fiscales aux entreprises Pour concrétiser la baisse des impôts sur le revenu, le gouvernement a besoin de trouver 5 milliards d’euros. S’attaquer à quelques dépenses fiscales parmi les 472 existantes (qui représentent près de 100 milliards d’euros) est l’occasion rêvée pour « trouver quelques centaines de millions d’euros », comme l’indiquait Gérald Darmanin dans son interview à Europe 1. C’était sans compter l’obscurité de ces fameuses niches fiscales. Faire le tri dans les niches fiscales aux entreprises nécessitait d’abord une étude de ces dispositifs. Ainsi, le Rapporteur général de la commission des Finances Joël Giraud a conduit une analyse dont les conclusions sont alarmantes. En présentant son rapport à l’Assemblée Nationale, Joël Giraud a insisté sur le manque de chiffrage, d’évaluation et de pilotage lié à ces niches fiscales. Il qualifie même la notion de niche de « floue voire abstraite ». Comment arbitrer sur la modification ou la suppression de niches fiscales sans données fiables ? Malgré les « trous noirs » qui ont affecté cette analyse, il en ressort que 400 dépenses fiscales peuvent être modifiées ou supprimées. Le crédit d’impôt recherche serait la « principale dépense fiscale active » avec un montant de 6,2 milliards d’euros, mais ce dispositif est considéré comme un « bon outil » qu’il faudrait juste « rendre plus efficient et rationnel ». En conclusion, Joël Giraud préconise la « suppression des niches fiscales non évaluées » ou demande au moins de fournir une évaluation de ces niches dans un délai imparti. Alors qu’il visait une économie de 1,5 milliards d’euros à court-terme, le gouvernement revoit ses objectifs à la baisse, indiquant plutôt le chiffre de 615 millions d’euros en 2020.
L’Etat s’attaque aux niches fiscales des entreprises, le patronat s’inquiète
Lors de sa conférence de presse du 25 avril, Emmanuel Macron a annoncé la suppression de niches fiscales aux entreprises. Cette nouvelle, tombée comme un couperet, a immédiatement suscité l’indignation des organisations patronales. Augmenter les impôts des entreprises pour baisser ceux des particuliers, un non-sens ? Suite au Grand Débat National, Emmanuel Macron s’est exprimé le 25 avril pour annoncer notamment une baisse des impôts sur le revenu à destination des classes moyennes. Or, cette initiative louable coûtera 5 milliards d’euros à l’Etat. Le Président a donc décidé que ce budget conséquent serait constitué en premier lieu de « la suppression de certaines niches fiscales pour les entreprises », puis de « la nécessité de travailler davantage » et enfin « des réductions de notre dépense publique ». Face à cette annonce, le patronat tire la sonnette d’alarme. Dès le lendemain de cette nouvelle, le MEDEF a publié un communiqué dans lequel il juge « totalement inacceptable » cette décision qui « revient à augmenter les impôts au moment où les entreprises françaises connaissent le taux de prélèvements obligatoires le plus haut des pays de l’OCDE ». En effet, les petites entreprises plient sous le poids de la fiscalité française, comme le rappelle la CPME qui demande à ce que « la baisse de l’impôt sur le revenu de certains particuliers soit financée par une diminution des dépenses publiques et non un accroissement des prélèvements obligatoires sur les petites entreprises ». En souhaitant répondre à une exaspération des particuliers, le gouvernement pourrait bien déclencher celle des entreprises. La France compte plus de 400 niches fiscales pour un montant global qui avoisine désormais les 100 milliards d’euros. Bien que les niches fiscales les plus importantes soient le CICE et le crédit d’impôt recherche, le gouvernement a renoncé à y toucher. Les autres niches fiscales conséquentes qui pourraient être supprimées sont : Ces niches fiscales aux entreprises bénéficient surtout aux petites entreprises, qui ont besoin de ces dispositifs pour se développer. Pour maintenir un équilibre économique, le gouvernement va devoir faire preuve d’une grande habileté dans son choix des niches fiscales à éliminer. Le gouvernement en appelle à la solidarité des entreprises « dans l’intérêt général » En réaction aux levers de boucliers du MEDEF et de la CPME, le ministre des Comptes publics a affirmé que le gouvernement n’avait « jamais autant baissé les impôts pour les entreprises », en citant la suppression de l’impôt sur la fortune, la mise en place d’une « flat tax » (à destination du « capital ») et la baisse de l’impôt sur les sociétés. Or ces dispositifs bénéficient surtout aux grandes entreprises et aux actionnaires, hormis l’impôt sur les sociétés. Gérald Darmanin poursuit son discours en considérant qu’après avoir aidé les entreprises, le gouvernement a « besoin d’eux ». Lors de son interview sur Europe 1 le 29 avril, Gérald Darmanin a estimé qu’il faut « désormais que chacun puisse aller dans le sens de la nation, dans le sens de l’intérêt général » pour faire accepter la suppression des niches fiscales aux entreprises. Cet appel à la solidarité ne suffira probablement pas pour rassurer les chefs d’entreprises. C’est pourquoi Bruno Lemaire a rapidement reçu Geoffroy Roux de Bézieux, Président du MEDEF. Au vu de la colère des organisations professionnelles, l’échange entre le MEDEF et le ministre de l’Économie et des Finances s’est très vite imposé. Bruno Lemaire a qualifié cet entretien de « discussion constructive » qui débouchera sur une concertation commune avant toute prise de décision. Les parties prenantes ont « plusieurs semaines » pour se pencher sur la question. La décision sera rendue publique au mois de juin, comme l’a évoqué le Premier Ministre Edouard Philippe. Très peu d’indices ont été dévoilés sur les niches fiscales dont il sera question. L’annonce d’Emmanuel Macron n’a pas permis de cerner les contours de cette action. Le ministre Gérald Darmanin a évoqué un choix qui se fera dans « la poursuite de la stratégie d’attractivité et de baisse de chômage ». Bruno Lemaire, quant à lui, souhaite que les décisions soient « en cohérence avec la politique du gouvernement qui est une politique de compétitivité, d’innovation et de développement durable ».