AREAD – Votre partenaire pour obtenir des financements publics

Crédit d'impôt recherche

Le coût du crédit d’impôt recherche a atteint le record de 6,3 milliards d’euros en 2017, dépassant le budget de 560 millions d’euros. Cette hausse inattendue inquiète notamment le député Joël Giraud qui rappelle la nécessité de recalibrer le CIR et de mieux évaluer son impact économique.

Les propositions pour rendre le CIR plus efficace et moins coûteux

Malgré l’ancienneté du crédit d’impôt recherche (créé en 1983) et son poids budgétaire, le crédit d’impôt recherche n’a pas fait l’objet d’évaluations approfondies pour mesurer son efficience. La Cour des comptes a tout de même réussi à formuler des recommandations dans son rapport de juillet 2013. Joël Giraud, député des Hautes-Alpes et rapporteur général, les énumère dans son rapport d’information sur l’application des mesures fiscales du 18 juillet :

  • Supprimer le « doublement de l’assiette en cas de sous-traitance […] publique » ;
  • Réduire la majoration de 200% des dépenses de fonctionnement des jeunes docteurs à 50%,
  • Supprimer la veille technologique et la normalisation / défense des brevets des dépenses éligibles,
  • Séparer le crédit d’impôt collection du crédit d’impôt recherche.

Selon la Cour des comptes, le doublement de l’assiette en cas de sous-traitance publique ne se justifie plus car il avait été mis en place lorsque le taux du crédit d’impôt recherche « était nettement plus faible qu’aujourd’hui ». Cet avantage ne concerne cependant pas la sous-traitance privée. La deuxième raison de le supprimer est qu’il entraîne « des dérives haussières du prix des prestations » des sous-traitants. Or l’adoption de cette mesure pousserait les entreprises à faire appel uniquement à des sous-traitants privés, ce qui aurait pour conséquence de réduire les collaborations public-privé tant recherchées par le gouvernement. Néanmoins, l’activité de recherche des sous-traitants publics ne serait pas impactée par cette mesure puisque ces organismes effectuent par définition des travaux de recherche. La deuxième proposition de la Cour des comptes semblerait induire moins d’effets négatifs au niveau économique.

Actuellement, les entreprises qui embauchent de jeunes docteurs en CDI dans le cadre du crédit d’impôt recherche voient doubler le montant des dépenses liées à ces jeunes docteurs. Plus précisément, deux majorations d’assiette s’appliquent :

  • Les dépenses de personnel comptées pour le double de leur montant ;
  • La prise en compte des dépenses de fonctionnement à hauteur de 200%.

Dans son rapport, le député Joël Giraud prend l’exemple d’un jeune docteur rémunéré à hauteur de 60 000€. La dépense éligible au CIR est donc de 120 000€ à laquelle vient s’ajouter les dépenses de fonctionnement pour le même montant. Le total correspond à 240 000€, ce qui représente 72 000€ de crédit d’impôt recherche (en appliquant les 30% de crédit d’impôt). Le problème que pose cet avantage selon Joël Giraud est que « le CIR représente 120% de la rémunération versée, c’est-à-dire que l’avantage fiscal excède la dépense réellement engagée ». C’est pourquoi la Cour des comptes a proposé de réduire la prise en compte des dépenses de fonctionnement à 50%, pour obtenir un rapport CIR/rémunération de 75%, « ce qui reste très incitatif » d’après elle. Ainsi, si l’on reprend l’exemple précédent, le montant du crédit d’impôt recherche équivaudrait à 45 000€ (soit 27 000€ de moins). Il est toutefois difficile de savoir si cette modification inciterait moins les entreprises à embaucher de jeunes docteurs ou non. Quant aux deux dernières propositions de la Cour des comptes citées ci-dessus, celles-ci semblent plus simples à appliquer et auront moins d’impact sur les entreprises.

La Cour des comptes justifie sa proposition de rayer la veille technologique et la normalisation / défense des brevets des dépenses éligibles par le fait que ces dépenses ne soient pas présentes dans le « Manuel de Frascati de l’OCDE au titre des activités de R&D ». Sachant que les dépenses de veille technologique sont actuellement plafonnées à 60 000€ par an et par entreprise, sa suppression aurait peu d’impact. Du côté des brevets, c’est surtout le dépôt de brevets qui constitue une dépense importante pour les entreprises bénéficiaires du crédit d’impôt recherche. Enfin, la proposition de séparer le crédit d’impôt collection (ou CIT) du crédit d’impôt recherche est tout à fait logique puisque ce dispositif d’aide n’a rien à voir avec le CIR. En effet, comme l’a précisé la Cour des comptes, le CIT est plus tourné vers « l’incitation industrielle », et non vers la R&D.

Ces 4 mesures permettront-elles de réduire suffisamment le coût du crédit d’impôt recherche ? Plafonner le montant des dépenses éligibles au CIR pour les grandes entreprises serait peut-être une solution supplémentaire. Bien que 91% des bénéficiaires soient des PME, ce sont les grandes entreprises qui absorbent la majorité du montant du CIR. Une première mesure a été prise en ce sens dans le PLF 2018 qui a instauré des « obligations déclaratives renforcées » sur les « entreprises engageant plus de 100 millions d’euros de dépenses de R&D ». De plus, le ministère chargé de la recherche est doit désormais produire un rapport sur l’utilisation du CIR par ces entreprises. Le crédit d’impôt recherche est devenu en quelques années une « dépense fiscale très dynamique ».

Le crédit d’impôt recherche, victime de son succès ?

Le coût budgétaire du crédit d’impôt recherche a atteint son paroxysme en 2017. Partant d’une prévision initiale de 5,51 milliards d’euros lors du PLF 2017, ce montant a été révisé à 5,71 milliards d’euros pour finalement atteindre 6,3 milliards d’euros. Cet écart représente 760 millions d’euros de budget en plus vis-à-vis du montant initial, « soit près de 14% » d’après le rapport de Joël Giraud. D’après lui, ce résultat laisse également présager un dépassement de budget pour l’année 2018. Le caractère exceptionnel de ce résultat est d’autant plus visible lorsque l’on compare l’écart entre le coût budgétaire du CIR prévisionnel et réalisé.

D’après le rapport de Joël Giraud, l’écart entre le coût budgétaire du CIR prévisionnel et réalisé était de -0,25% en 2015. Il a ensuite progressé pour atteindre +0,05% en 2016, et enfin +0,76% en 2017. Cette forte progression peut s’expliquer par des conditions attractives ajoutées au crédit d’impôt recherche dans le cadre de la loi de finances pour 2008. Ce texte a rendu éligibles au CIR toutes les dépenses de R&D, et non plus les dépenses additionnelles. Ainsi, les entreprises ont progressivement profité de cette nouvelle liberté avec l’aide des nombreux cabinets de conseils spécialisés dans le CIR. Cette situation inquiète toutefois les hommes politiques.

Au cours des dernières années, le coût du crédit d’impôt recherche a été plusieurs fois montré du doigt en raison de ses possibles « effets d’aubaine ». En effet, les conditions très attractives de ce dispositif fiscal peuvent mener à des dérives, surtout en l’absence d’évaluation du CIR. Il est probable que le dépassement du budget lié au CIR en 2017 provoque de vives réactions du côté des hommes politiques. De plus, le crédit d’impôt recherche est soupçonné de ne pas être « efficient ».

Bien que le crédit d’impôt recherche soit attractif en termes de coût des chercheurs, ce dispositif n’attire pas les entreprises au-delà de nos frontières. Il semble au contraire que les entreprises choisissent leur lieu d’implantation en fonction de « la proximité du marché et la qualité des chercheurs ». Or l’objectif du CIR est notamment d’accroître l’attractivité de la France. L’inefficacité du crédit d’impôt recherche a également été démontrée dans une étude de la Commission Européenne de 2014 qui a évalué « plus de 80 outils fiscaux d’incitation à la R&D issus de 31 pays ». Le crédit d’impôt recherche occupait la 25e place au classement, loin derrière un autre financement français lié à la R&D, le statut Jeune Entreprise Innovante. Bien que le crédit d’impôt recherche ne soit pas en danger (puisque Emmanuel Macron l’a sanctuarisé), le gouvernement prendra-t-il l’initiative de se pencher sur la question ? Suivra-t-il les recommandations de la Cour des comptes ?